53.
David Hudson se réveilla dans sa chambre de l’hôtel Washington-Jefferson avec un sérieux mal de tête. Il neigeait dehors et un tapis blanc satiné recouvrait uniformément la 51e Rue Ouest.
Hudson s’empara de sa montre sur la table de nuit branlante. Il était tout juste deux heures passées.
Il s’assit droit dans son lit, dans un soudain accès de panique qui ne lui ressemblait pas. Il avait la gorge sèche et les mains moites. Il se sentait fiévreux.
Ce n’était pas Green Band qui l’inquiétait, cette fois-ci.
La mission Green Band suivait son cours, sans le moindre obstacle apparent. L’opération se déroulait à la perfection, engendrantun climat d’insécurité partout où Hudson l’avait décidé.
Il n’était pas non plus tourmenté par les réminiscences de son séjour dans le camp de prisonniers nord-vietnamien. Il n’avait pas rêvé du Lézard, cette nuit-là.
Rien de tout cela ne préoccupait David Hudson, dans l’immédiat. Il s’agissait d’autre chose… D’une chose parfaitement inattendue.
Il s’agissait de Billie Bogan…
Comme la poétesse, Louise.
Il s’en voulait de s’être laissé émouvoir par la jeune femme. Un tel manquement à la discipline en cours de mission n’était pas du tout dans son tempérament, même s’il se sentait capable de gérer la situation, de mener les deux aventures de front…
Il résolut de la voir au moins une fois encore. Cette nuit même, si possible. Des images très nettes de Billie flottèrent soudain devant ses yeux.
Hudson se sentit soudain très excité. Il enfila en hâte une vieille chemise et un pantalon. Ne souhaitant pas utiliser le téléphone de sa chambre, il descendit dans le hall de l’hôtel pour appeler l’agence Vintage.
— J’aimerais voir Billie. Maintenant, si possible. C’est David, à l’appareil. Numéro 323.
Il fut mis en attente pendant trois ou quatre minutes qui lui parurent interminables.
— Le bip de Billie ne répond pas. Elle n’est manifestement pas disponible tout de suite, l’informa-t-on. Vous pouvez prendre rendez-vous avec une autre de nos hôtesses. Elles sont toutes très belles. Ce sont des mannequins ou des actrices à temps partiel, David.
David Hudson raccrocha. Il se sentait tenaillé par la déception, l’insatisfaction et une sensation de vide glacé… Était-il réellement capable de gérer la situation, pour le moment ? Ne ferait-il pas mieux de tirer un trait sur Billie ?
L’idée que la mission Green Band pourrait capoter à cause d’une prostituée anglaise le fit presque rire. Ce serait tellement grotesque.
Quoi qu’il en soit, la suite du plan Green Band était imparable. Au point qu’il pouvait dès à présent fonctionner sans lui.
Le mensonge, se dit-il. Le fondement de Green Band.
Le mensonge, la tromperie et l’illusion. Toutes choses qui remontaient au Vietnam.